Qu’est-ce que l’éloquence ?

Si l’on suit le dictionnaire « Larousse », l’éloquence est l’art de bien parler, l'aptitude à s'exprimer avec aisance, la capacité d'émouvoir, de persuader, ou encore, le caractère de ce qui — sans paroles — est expressif, significatif, probant : comme dans l'expression « l'éloquence des chiffres ».

Nous avons déjà vu dans notre article sur l’art oratoire que cette définition de « bien parler » était déjà donnée pour la rhétorique et l’art oratoire lui-même. Nous aimerions aller plus loin et voir comment éclaircir cette notion d’éloquence, qui est un des outils de l’art oratoire.

Cicéron, considéré comme un grand orateur de l'Antiquité, en donne cette description assez intéressante : 

« Convaincre, plaire, c'est beaucoup ; nous n'avons pourtant pas encore là toute l'éloquence. Ni la dialectique, ni l'agrément n'y suffisent ; il y faut la passion. L'orateur aura donc des gémissements et des larmes, des transports d'admiration comme des éclats de colère : il devra émouvoir. Persuader, plaire, toucher, c'est à cette triple condition seulement qu'on est éloquent. 
Eloquent ! on ne l'est pas encore ; sans la beauté de l'expression, sans la vivacité et la lumière des figures, sans le nombre et l'harmonie de la phrase, sans l'élocution, en un mot, il n'y a pas d'éloquence. »
Cicéron

Nous restons donc un peu sur notre faim… pas facile d’être précis et pour cause, nous sommes dans le domaine de l’émotion, du subjectif…

En effet, émouvoir, plaire, toucher, c’est générer des émotions positives. Et même "persuader", cela touche la raison mais surtout rassure sur le plan émotionnel celui qui attend certains arguments en particulier. 

L’éloquence est utilisée dans divers types de discours et sera donc à chaque fois adaptée. Elle fait mouche en politique, en religion, dans les commémorations, dans les tribunaux, les facultés, et aussi de plus en plus dans les clubs et les concours d’art oratoire ! 

Pour essayer de la comprendre un peu mieux, voyons ce qu’en disent divers auteurs.

Blaise Pascal en donne plusieurs descriptions assez éclairantes.

« L’éloquence est une peinture de la pensée […]. » 

« L’éloquence est un art de dire les choses de telle façon que ceux à qui l’on parle puissent les entendre sans peine et avec plaisir. »

« L’éloquence consiste dans une certaine correspondance que l’on tâche d’établir entre l’esprit et le cœur de ceux à qui l’on parle, d’un côté, et, de l’autre, les pensées et les expressions dont on se sert. » 

Nous voyons clairement l’objectif de l’éloquence : toucher l’esprit et le cœur et entrer en connexion. C’est aussi ce que nous dit Jean de La Bruyère.

« L’Éloquence est un don de l’âme, lequel nous rend maîtres du cœur et de l’esprit des autres. » Jean de La Bruyère

Le résultat de l’éloquence est clairement l’influence, on dirait maintenant "le leadership". L’éloquence sert à faire bouger les autres, à les persuader de nous suivre.

« C’est par éloquence que les vertus d’un seul deviennent communes à tous ceux qui l’entendent. » Madame de Staël.

« L’éloquence tient lieu de la musique guerrière : elle précipite les âmes contre le danger. » Madame de Staël.

Pour être efficace et éloquent, il faut que cela vienne du cœur ! 

« Vous n’agirez jamais sur les hommes si votre éloquence ne part pas du cœur. » Gœthe.

Nous revenons sur le domaine des émotions. Cela est souvent mis de côté dans les formations en vente et dans le management, mais ce qui fait bouger les hommes, ce sont leurs émotions ! Il faut donc toucher à ce niveau. C’est pour cela que le non verbal (corps et voix) est si important dans la communication. Ce sont les canaux d’expression des émotions et c’est à ce niveau que nous touchons l’interlocuteur. A cela s’ajoute bien sûr le poids des mots et des arguments qui eux aussi vont toucher la raison et le cœur.

« L’éloquence est l’âme rompant toutes les digues de la chair, quittant le sein qui la porte et se jetant à corps perdu dans l’âme d’autrui. » Henri Lacordaire

« Le mystère de la parole à l’état d’éloquence, c’est la substitution de l’âme qui parle à l’âme qui écoute. » Henri Lacordaire

Rappelons que l’âme est le plan des émotions (voir l’article sur ce sujet).

« L’éloquence n’a qu’un rival, et encore ce rival ne l’est-il que parce qu’il est éloquent : c’est l’amour. » Henri Lacordaire

Et oui, l’amour est au-dessus des émotions… C’est un sentiment, durable et fort, alors que les émotions sont fugitives. 

L’éloquence peut être comparée à une force brute qui surgit lorsque les convictions sont éveillées et que la passion se déchaîne. Elle peut être présente chez tout un chacun qui se sent libre de vouloir défendre sa pensée avec enthousiasme et parfois exaltation. La liberté est un élément important. Il faut se sentir libre de s’exprimer et ne pas être submergé par ses peurs et son trac. 

Cette force brute peut bien sûr être maîtrisée et canalisée et c’est là que l’art oratoire apparaît. A force de travail, ce qui est naturel devient un art maîtrisé et efficace. 
Le travail se fait sur le choix des mots, les tournures de phrases, la narration, sur le rythme de la voix, la tonalité, le volume, les silences, la gestuelle, les expressions faciales, les regards, … Un travail complet et permanent.

A bientôt !
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Bibliographie