Comment les émotions dirigent nos vies
Les émotions dirigent notre vie… de manière très inconsciente la plupart du temps et cela en fonction des mécanismes de notre cerveau. Nous allons essayer de comprendre pourquoi et comment cela fonctionne. (Voir aussi article sur les émotions de base et leurs expressions faciales)
Les émotions, le cerveau et les modes mentaux
Depuis une vingtaine d’années, les neurosciences nous délivrent régulièrement de nouvelles informations sur le fonctionnement de notre cerveau. Les nouvelles techniques d’imagerie fonctionnelle (depuis les années 80-90) permettent de visualiser les zones du cerveau qui sont impliquées lors de diverses activités comportementales ou cognitives.
Des programmes de recherche lancés depuis quelques années apportent maintenant des résultats dans divers domaines (1) (2). Ces recherches ont notamment révolutionné le monde de l’éducation et de la formation grâce aux connaissances liées aux émotions et à la mémoire et les implications touchent le monde de l’entreprise et des ressources humaines.
Nous allons partager avec vous ces recherches qui nous plongent dans le mystère du fonctionnement de notre cerveau et qui, étonnamment, nous ramènent à des connaissances déjà très anciennes concernant la psychologie humaine qui, pendant des siècles, ont permis à diverses cultures de proposer des approches de maîtrise du corps, de l’esprit, de la psyché (Exercices sprirituels, pratiques rituelles, techniques de concentration, méditation,...). Les neurosciences démontrent de manière claire l’utilité de ces pratiques.
Faisons tout d’abord un survol des connaissances actuelles sur la structure fonctionnelle du cerveau. Le modèle des trois cerveaux (reptilien, limbique et néocortex), proposé par le neurochirurgien Paul Mac Lean dans les années 1970 reste en grande partie valable.Cependant on parle actuellement plutôt de 4 cerveaux (Travaux de l'IME (2).
Le cerveau reptilien reste la base la plus ancienne. Son rôle est la gestion inconsciente des fonctions vitales physiologiques. Il assure la survie biologique et en particulier dans la cascade du stress des trois états d’urgence de l’instinct (fuite, lutte, inhibition) en relation avec le Limbique. (Voir notre article sur le stress et le cerveau)
Viennent ensuite les territoires paléo-limbiques (la partie la plus ancienne du cerveau limbique) situé en dessous du corps calleux et qui gère les rapports de force de la vie en communauté.
Le cortex automatique regroupe le vieux cortex néo-limbique et le cortex sensori-moteur. Comme son nom l’indique cette partie gère de manière automatique le connu, le quotidien en fonction des habitudes, de l’expérience, des émotions. C’est le siège de la « conscience noyau » comme l’appelle A. Damasio. On peut aussi parler de « Moi animal ».
Le néocortex préfrontal permet de gérer le nouveau, l’inconnu, la complexité. Il est le sommet de l’intelligence humaine mais contrairement au cortex automatique, il semble inconscient et son utilisation demandera un effort conscient. Il est cependant en relation avec tout le cerveau et est capable de tout coordonner.
Pourquoi ne le fait-il donc pas ?
Les chercheurs de l’institut de médecine environnementale (IME) (Paris), travaillent depuis plusieurs années sur la psychologie cognitive et les neurosciences. Ils ont publié plusieurs ouvrages de vulgarisation à visée d’application dans le domaine du management. L’intelligence du stress, de Jacques Fradin nous parle de la gestion des modes mentaux dans la gestion du stress. Les auteurs nous rappellent d’abord que le stress que nous vivons dans nos sociétés modernes est essentiellement d’origine interne (90 %) plutôt que causé par une origine externe. La différence est qu’en cas de stress externe notre cerveau reptilien est programmé pour réagir rapidement et efficacement.
En cas de stress interne (induit par nos émotions, croyances, petites voix, …) la réponse naturelle ne convient plus, elle n’est pas adaptée. Le problème est que le mode automatique conscient ne semble pas vouloir céder volontiers la place au préfrontal qui peut, lui, pourtant gérer cette situation en prenant de la hauteur, en se détachant des émotions, en réfléchissant, en innovant.
Le stress chronique que nous vivons dans nos sociétés serait le révélateur de cette aberration fonctionnelle constatée par les chercheurs grâce à l’imagerie cérébrale fonctionnelle (2). Ils proposent une démarche de gestion des modes mentaux favorisant la préfrontalisation.
Pour reformuler ces données avec d’autres mots, cela confirme ce que la psychologie (depuis quelques décennies) et la philosophie classique (depuis des siècles) nous disent concernant la difficulté de prendre du recul par rapport aux événements. Les démarches philosophiques et spirituelles (par la réflexion et la mise en pratique qu’elles sous-entendent) seraient en quelque sorte des méthodes efficaces pour permettre à l’Humain de prendre le contrôle de sa machine biologique, conduite en mode automatique la plupart du temps. Cela amène la conscience en mode préfrontal, ce qui permettra d’innover, de créer, de réagir intelligemment et prendre sa vie en main…
Les travaux de ces dernières années montrent aussi que le cerveau, contrairement à ce que l’on pensait continue à pouvoir se régénérer et produire de nouveau neurones et nouvelles connexions. C’est ce que l’on appelle la neuroplasticité. Cela a été observé dans le cadre d’études sur la méditation. Les auteurs observent notamment que la concentration peut s’améliorer par la pratique et l’entraînement mental et que les cerveaux de moines entraînés ou novices ont des zones actives différentes (4).
Dans le cadre de l’apprentissage cela est important car confirme que l’on peut apprendre des nouvelles choses qui se fixeront dans notre cerveau quel que soit l’âge. La condition c’est la mise en pratique et la réactivation des apprentissages (Nous verrons cela dans un autre article).
Tout ces travaux, sur lesquels il y aurait encore beaucoup à dire, nous montrent donc que le cerveau, et en particulier le préfrontal, serait en quelque sorte l’outil utilisé pour unifier et équilibrer l’ensemble de notre fonctionnement (mental, psychologique et comportemental).
Cela est la base du développement personnel et du courant qui s’est développé depuis les découvertes de la psychologie dès la fin du 19ème siècle.
Depuis des millénaires, des sages nous disent que c’est à l’intérieur de nous-mêmes que se trouve la clé de notre pouvoir d’être libre. (Voir nos citations)
Nous le comprenons mieux maintenant avec les neurosciences mais cela n’en rend pas plus facile la démarche. La préfrontalisation n’est pas « naturelle », cela s’apprend jour après jour. En prenant de la hauteur, du recul… en devenant responsable de son développement !
C'est finalement cela aussi que propose l'intelligence émotionnelle. Donc les émotions peuvent nous aider à mieux gérer nos vies si nous les utilisons à bon escient et si nous arrivons à les connaitre et les canaliser.
La porte du changement ne peut s'ouvrir que de l'intérieur. Jacques Salomé
La balle est dans votre camp !
On ne naît pas humain, on le devient. Erasme
Bibliographie :
- L'Art de la méditation, Matthieu Ricard, NiL Editions 2008
- L’intelligence du stress, Jacques Fradin, Ed. Eyrolles 2008.
- Démystifier la méditation, LE MONDE 21.10.08
- Buddha’s Brain: Neuroplasticity and Meditation, R. Davidson and A. Lutz. IEEE SIGNAL PROCESSING MAGAZINE [176] SEPT 2007.