Comment fonctionne la cascade du stress ?
Le stress : le comprendre et le gérer.
Parler du stress n’est pas aussi simple qu’on peut le penser à priori. En effet l’approche du stress selon les disciplines peut aboutir à des points de vue différents et des approches de gestion différentes également. En participant à une conférence sur le sujet ce samedi avec deux autres intervenants, nous constatons que l’approche médicale, l’approche juridique (règlement du travail) ou l’approche du développement personnel ont chacune leur sphère particulière.
Tout le monde parle du stress, on en connaît les ravages dans le monde professionnel et les conséquences sur la santé mais, finalement, en parler reste assez flou. En effet, il n’est pas évident de mesurer le stress. Il n’y a pas de stessomètre !
Le stress n’est pas repris dans la liste des maladies professionnelles et pourtant il est à l’origine de pas mal de problèmes psychologiques et somatiques. Il n’est pas non plus facile de le définir clairement car il ne faut pas oublier que même si le stress part d’une composante biologique, il est souvent lié à des perceptions très différentes d’une personne à l’autre.
Généralement, on est plus souvent confronté aux conséquences du stress qu’au stress proprement dit. Et les conséquences peuvent être désastreuses sur le plan de la santé et des relations professionnelles ou privées (couple, famille, amis, …). Il faut ajouter à cela l’impact du stress sur notre comportement, nos émotions et nos pensées. En effet, le stress va impacter la motivation, la confiance et l’affirmation de soi et divers comportements de soumission ou d’agressivité peuvent en résulter.
Le mot stress apparait au 20ème siècle seulement dans la littérature française. Il vient du latin stringere qui signifie « étreindre, serrer, resserrer, serrer le cœur, blesser, offenser ». Ce mot latin donne aussi « détresse », sentiment d’abandon, de solitude, d’impuissance… que l’on éprouve dans une situation poignante (besoin, danger, souffrance…). Il est par contre utilisé depuis le 17ème siècle dans la langue anglaise (1).
Du point de vue médical, le stress a été pour la première fois décrit par Hans Selye, en 1935 dans la revue Nature, comme « syndrome général d’adaptation ». Il poursuivra ses travaux dont il fera part dans un livre (Stress). Il utilise ce terme dans le sens de « condition dans laquelle l’organisme répond à différents stressors ou agents de stress ». Le stress est « l’état se traduisant par un syndrome spécifique correspondant à tous les changements non spécifiques ainsi induits dans un système biologique ». A cette période, la dimension psychologique du stress est totalement absente (1).
Nous ne nous étendrons pas sur les causes de stress qui sont nombreuses. Dans le monde professionnel, une des sources importantes du stress se situe dans la relation hiérarchique et la piètre qualité des relations humaines. Il est relevé l’incapacité à bien déléguer, l’abus d’autorité, le mépris, le manque de reconnaissance et de communication, etc.
Il est donc évident qu’une meilleure approche de management et de leadership, avec un effort sur la communication et plus d’intelligence émotionnelle, aurait un énorme impact sur la prévention du stress au travail.
Les conflits familiaux et l’équilibre vie-familiale et vie professionnelle seraient eux aussi aidés par une meilleure capacité de communiquer.
L’origine biologique du stress
Biologiquement, l’être humain a évolué pour faire face aux contraintes de l’environnement et s’adapter aux multiples situations. Notre physiologie nous maintient en état d’homéostasie pour garder cet équilibre intérieur. Cela se fait par une situation de stimulations constantes au niveau neurobiologique. L’absence de stimulation, et donc aussi de stress, signifierait la mort !
Lors d’une situation de danger se produisent divers processus qui déclenchent la cascade du stress. Le signal part de l’hypothalamus qui active l’hypophyse qui envoie ensuite le signal vers les glandes surrénales. Là sont produites les diverses hormones qui interviennent dans la cascade du stress (dont l’adrénaline, la noradrénaline, le cortisol).
Nous allons nous intéresser à ce qui se passe d’un point de vue biologique, suite au déclenchement de la cascade du stress, en suivant Jacques Fradin (2). Le stress va développer 3 programmes possibles pour gérer une situation de danger (ou interprétée comme telle). Ces états vont se succéder en fonction des événements. Il s’agit de la fuite, de la lutte et l’inhibition. Cela va donner au niveau des ressentis, des états d’anxiété, de l’agressivité défensive ou du découragement…
Le tableau ci-dessous nous donne les éléments propres à ces trois états.
L’origine interne du stress humain (2)
Ce que nous venons de voir par rapport au stress « animal » et défensif est d’origine externe et lié aux stimulations de l’environnement. Le stress humain et cognitif est lui plutôt d’origine interne ! Plus de 90 % des causes de stress dans nos sociétés modernes sont internes.
Le stress « interne » est produit par nos perceptions. Le cerveau limbique (Mode Mental Automatique, MMA) guidé par nos schémas hérités de nos apprentissages, éducations, préjugés, petites voix internes, réagit « sans réfléchir » et déclenche la réaction naturelle. La réponse naturelle ne convient plus, elle n’est plus adaptée. Il se produit un conflit avec la partie préfrontale de notre cerveau (Mode Mental Préfrontal, MMP) qui a la capacité de gérer le stress par une approche plus détachée et rationnelle. Il est cependant bloqué par le système automatique. Cela grée une tension interne qui empêche nos systèmes adaptatifs de pouvoir gérer une situation complexe ou nouvelle. Cela mène au stress chronique ou régulier face à certaines situations.
La gestion du stress doit donc pouvoir passer par une approche préfrontale. Le mode préfrontal n’est pas conscient et doit être mobilisé. Il peut agir sur l’ensemble de notre cerveau et sur notre corps, et par la même occasion freiner le système de cascade du stress avec toutes ses conséquences néfastes quand elles sont chroniques.
Le tableau suivant nous montre les différences entre les deux modes mentaux en compétition.
Nous voyons donc que les deux modes sont très différents. Il ne s’agit pas maintenant de vouloir faire dominer l’un plutôt que l’autre !
Il nous faut apprendre dans la gestion des modes mentaux à utiliser le bon mode mental. Nous ne sommes pas toujours sous stress dans le MMA, car il y a des situations ou c’est le bon mode. Par contre si nous sommes sous stress dans certaines situations, il faut prendre cela comme un signal et prendre alors le recul nécessaire pour voir ce qui se passe.
C’est nous-même et les conditionnements de notre mode automatique qui provoquons et entretenons le stress dans de très nombreuses situations quotidiennes. La bonne nouvelle c’est que nous pouvons donc en sortir en adoptant d’autres postures et attitudes mentales.
Le stress nous dit : « change d’attitude ! ».
Comment faire appel au préfrontal et le mobiliser ?
Il s’agira donc d’adopter une attitude différente face aux situations qui nous stressent.
Il nous faudra développer les caractéristiques du préfrontal : curiosité, acceptation, nuances, relativité, réflexion, opinion personnelle, … Cela n’est pas automatique donc cela doit se préparer !
Il nous faut apprendre à mobiliser notre MMP et sortir de nos habitudes. Cela ne doit pas se faire en situation de stress, car là le mode automatique est trop fort en général. Il faudra créer des automatismes pour mobiliser le MMP et en faire des attitudes face à la vie. (voir autre article)
Une autre approche pour court-circuiter le mode automatique est d’agir sur le corps. Cela permet de couper la réaction du système sympathique et aussi d’intégrer de nouvelles habitudes et de nouvelles attitudes. Il s’agit de techniques de respiration, méditation, visualisation, etc. Nous y reviendrons dans un autre article.
Bibliographie :
- Jean-Benjamin Stora. Le stress. Que sais-je ? Presses universitaires de France
- Fradin Jacques et al. L’intelligence du stress. Eyrolles 2008