Les réponses à vos questions sur l'intelligence émotionnelle

Les réponses à vos questions sur l’IE

L’intelligence émotionnelle est à chaque fois plus d’actualité dans le cadre du management des entreprises et elle est reconnue comme un ensemble de compétences indispensables pour l’expression du leadership. Beaucoup de managers en sont encore dépourvus. Ils ne comprennent toujours pas son utilité pour l’efficacité du management et la performance de l’entreprise.

 

L’objectif de cet article est de répondre aux questions que vous vous posez sur l’intelligence émotionnelle et les notions annexes.

 

La finalité des articles glossaires est de faire le point sur une thématique en y apportant des éléments synthétiques, des schémas, des tableaux, mind-mapping, vidéos et aussi des liens vers d’autres articles sur le sujet.

Si vous ne trouvez pas la réponse à votre question sur l’intelligence émotionnelle, laissez-là en commentaire et j’y apporterai une réponse au plus vite.

Cet article est donc destiné à évoluer dans le futur (il a déjà été revu).

Le concept d’IE et son historique

L’idée d’une intelligence qui va au-delà des aspects purement rationnels (QI) remonte très loin dans l’histoire humaine. Mon but n’est pas d’en faire une recherche exhaustive et de tous les citer mais de donner les jalons récents les plus marquants.

 

Dès l'antiquité !

A la lecture des livres de philosophie antique, on peut dire que le principe de l’intelligence émotionnelle fait partie des enseignements des sages anciens. Aristote dans son « Ethique à Nicomaque » ne fait rien d’autre que d’enseigner comment bien se comporter.

Mais beaucoup de ces enseignements anciens ont été oubliés par la suite…

 

« Aucun homme n’est intelligent par essence. C’est en s’assemblant aux autres qu’il devient plus intelligent que le plus intelligent d’entre eux. » Aristote

Le concept scientifique 

Les premiers à avoir parlé officiellement d’intelligence émotionnelle sont Peter Salovey (Yale University) et John D. Mayer (University of New Hampshire) en 1990. Ce sont à l’époque des chercheurs universitaires et ils publient ensemble un article « Emotional intelligence » dans la revue « Imagination, Cognition and Personality ».

 

D’emblée dans leur introduction, ils mettent en évidence la possible incohérence et l’antagonisme entre intelligence et émotions. Celles-ci sont en effet décrites jusque-là par certains comme désorganisées, chaotiques, interrompant nos processus mentaux et devant être contrôlées… D’autres les voient comme des réponses organisées, comme des forces de motivation qui poussent à l’action.

Nous constatons d’emblée le côté « révolutionnaire » de cet article.

 

We define emotional intelligence as the subset of social intelligence that involves the ability to monitor one's own and others' feelings and emotions, to discriminate among them and to use this information to guide one's thinking and actions. Salovey & Mayer

 

Ils définissent donc l’intelligence émotionnelle comme « une forme d’intelligence qui suppose la capacité à contrôler ses sentiments et émotions et ceux des autres, à faire la distinction entre eux et à utiliser cette information pour orienter ses pensées et ses actions ».

 

 

Ils avaient déjà donné les bases de l’IE avec un premier modèle incluant trois processus mentaux : évaluer et exprimer les émotions (les siennes et celles des autres), être capable de les réguler et savoir les utiliser pour faciliter les processus cognitifs. On peut voir ci-dessus, leur représentation sur ce schéma adapté de leur publication originale.

 

La vulgarisation

Daniel Goleman, alors reporter scientifique pour le New York Times, explique qu’il a été électrifié par ce concept nouveau. Il en a fait le titre de son livre, Emotional intelligence, en 1995. Ce n’est pas lui l’inventeur du concept mais il l’a vulgarisé mondialement et y a également contribué par des apports de recherche. Il a proposé un modèle qu’il a revu à plusieurs reprises pour arriver à plus de 20 compétences mesurables .

 

En 2001, il décrit une version basée sur 4 piliers où il décrit les compétences de l’IE. Ce sont les élément repris de son livre « l’IE Tome 2 » que je reprends dans l’article « Quelles sont les compétences de l’intelligence émotionnelle » (voir tableau ci-dessous).

 

Il existe donc plusieurs modèles et définitions de l’IE, mais qui convergent tous vers les mêmes types de compétences. Voir cet article pour plus de détails sur trois modèles (Salovey & Mayer, Goleman, Bar-On R.).

Ces modèles ont également développé des outils qui permettent de mesurer l’IE grâce à des tests.

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D'après Daniel Goleman, Intelligence émotionnelle tome 2. 2001.

Le vocabulaire émotionnel

Cognition

Désigne dans un sens général ce qui est lié à la pensée, l’esprit, l’intelligence, les opérations mentales.

 

Conscience

Bon nombre d’activités du cerveau se font en totale inconscience et automatiquement.

Les neuroscientifiques ne peuvent localiser précisément la conscience dans le cerveau.

Ils parlent d’un Espace neuronal de travail conscient (ENTC) dans lequel le lobe préfrontal est très impliqué. Il s’agit de neurones à axones assez longs, qui sont connectés à l’ensemble du cerveau et aux différents lobes.

 

C’est la concentration qui permet de passer de l’état inconscient à l’état conscient. C’est une fonction essentielle du lobe préfrontal. Il est considéré comme le chef d’orchestre, l’administrateur central (Houdé).

 

Emotions

Les émotions sont des signaux que nous envoie notre « cerveau » pour nous pousser à l’action, pourrait-on dire.

 

Les émotions ne sont ni négatives, ni positives…

Certaines peuvent être très désagréables et avoir un impact important dans nos relations interpersonnelles. Il est donc essentiel de pouvoir les anticiper et les réguler…

Les émotions sont reliées aux marqueurs somatiques (voir aussi ci-dessous).

Damasio donne une définition en plusieurs étapes dans son livre « Spinoza avait raison ».

 

De manière synthétique, voici la définition de l’émotion par Damasio :

  1. Une émotion est une collection de réponses chimiques et neurales formant une structure distinctive.
  2. Ces réponses sont provoquées par un stimulus émotionnellement compétent (SEC), détecté par notre cerveau. La réponse est automatique.
  3. Le cerveau est préparé à répondre aux SEC, mais pas à tous. Il y a apprentissage avec les expériences vécues.
  4. Le résultat de la réponse est un changement dans l’état du corps et les structures cérébrales.
  5. Le résultat final est de placer l’organisme dans des conditions favorables à la survie et au bien-être (homéostasie).

 

Empathie

 

« C’est l’aptitude à ressentir ce que pensent les autres sans qu’ils aient besoin de le dire qui définit l’essence de l’empathie. » Daniel Goleman

C’est l’aptitude à se mettre à la place des autres.

Cette capacité serait liée à l’existence de réseaux de neurones qui depuis la naissance fonctionnent dans la découverte des autres. Le bébé qui imite, active les mêmes zones neuronales que ce qui est imité… On parle aussi de neurones miroirs.

 

Humeur

C’est un état émotionnel diffus, différent d’une émotion, qui est plus précise et liée à un déclencheur. L’humeur est cependant liée aux émotions. Elle peut favoriser l’apparition des émotions. De mauvaise humeur, irritables, nous tomberons plus vite dans la colère.

L’humeur est liée aux tempéraments et aux personnalités. Certains sont plus optimistes ou pessimistes et cela va influencer l’humeur : bonne ou mauvaise humeur…

 

Certaines pathologies, comme la dépression, l’anxiété, et d’autres sont appelés troubles de l’humeur.

 

Marqueurs somatiques

Ce sont des « images » qui se forment dans le cerveau et sont mémorisées sous forme de connexions. Elles sont en rapport avec des expériences (agréables ou désagréables) qui ont été vécues depuis l’enfance. Ce sont donc des marqueurs de référence en rapport avec le système biologique de l’homéostasie.

 

Ces marqueurs somatiques sont intégrés au Cortex préfrontal ventromédian et servent de guide pour les réactions automatiques (émotions) et les prises de décisions (Houdé).

 

Neurones et neuroplasticité

 

Les neurones sont les cellules de notre systèmes nerveux. Ce sont les réseaux de neurones et leur connexions qui permettent toute notre activité cérébrale consciente et inconsciente.

Nous avons environ 90-100 milliards de neurones et 1 million de milliards de connexions.

 

Il est important de savoir que les réseaux neuronaux sont flexibles. Ils peuvent disparaître s’ils ne sont pas utilisés. Au contraire, nous pouvons aussi recréer de nouvelles connexions à tout âge. C’est la base de l’apprentissage et de la mémorisation.

 

A plusieurs reprises dans cet article, nous parlons de possibilités de développer certaines compétences émotionnelles en développant certaines zones cérébrales. Cela revient à dire que nous pouvons créer de nouvelles connexions et les utiliser pour fixer l’apprentissage.

Une nouvelle habitude ne sera acquise que si le réseau neuronal est assez solidement fixé et stable.

 

Perception

C’est à la fois la sensibilité au monde extérieur (à travers les organes de sens) et le filtrage et l’interprétation des informations.

 

Il y a trois niveau de traitement

  • Le niveau sensoriel : les signaux captés par les organes des sens.
  • Le niveau perceptif : mise en ordre de l’information.
  • Le niveau cognitif : mettre un sens, un jugement.

Nous ne percevons pas tous la même chose vis-à-vis d’une même réalité.

 

Ce n’est pas logique… c’est psychologique.

Le cerveau va utiliser ses mémoires et le traitement de l’information dépendra de nos antécédents, de nos marqueurs somatiques, de nos croyances et apprentissages…

C’est un des concepts-clés de la psychologie et la perception intervient beaucoup dans les relations interpersonnelles.

Il est important de questionner nos perceptions et celles des autres.

 

Sentiments

 

Souvent, les émotions et les sentiments sont considérés comme similaires. Damasio a écrit un livre entier (Spinoza avait raison) où il explique les différences et où il développe sa théorie des sentiments issus des émotions.

 

Pour lui, les émotions se présentent sur le théâtre du corps ; les sentiments sur celui de l’esprit. Ils sont intimement liés. Le sentiment est la prolongation mentale de l’action émotionnelle sur le corps. Ils surviennent de 2 à 20 secondes après l’émotion.

L’émotion est très visible sur le corps, l’expression faciale, etc. alors que le sentiment est invisible et mental.

 

Les sentiments sont en rapport pour lui aux régions somatosensorielles (cartes ou marqueurs somatiques. Ce sont des « images » internes reliées aux états du corps. Cela implique d’avoir une conscience de soi, une capacité à représenter ce corps en son sein même. Cela devient des images mentales.

 

De l’émotion qui est une réponse chimique et neuronale, on passe au sentiment qui implique une représentation mentale des états du corps, associés à une situation. Les sentiments dépendent des cartes construites.

 

Damasio nous montre aussi que nous sommes capables de produire de fausses cartes pour favoriser la réponse aux situations. Par exemple, dans le cas de la douleur, lors d’une fuite ou attaque, il est utile de ne pas ressentir la douleur. Il y a donc construction d’interférence (fausse carte) avec la sensation réelle (de la douleur) et le ressenti. Le corp va alors produire des substances analgésiques (peptides opioïdes, endorphines et d’autres).

 

Damasio nous montre donc que nous avons la possibilité, par le travail mental (lié aux sentiments) de créer des cartes qui vont avoir un effet sur le corps et interférer avec les états du corps. C’est le principe de l’action mentale sur le corps.

Le cerveau peut stimuler des états internes émotionnels.

 

Il explique notamment dans le cas de l’empathie que le fait de voir ou d’entendre parler d’une situation d’un accident grave peut provoquer des réactions internes et physiologiques. Il y a donc une stimulation interne à partir de cartes corporelles créées par le cerveau et ne correspondant pas à la situation réelle du corps. Cela à partir des neurones miroirs.

Il y a un rapport pensée-sentiment plus rapide que si le changement venait réellement du corps. Il parle de mécanismes quasi corporels.

 

Voici un extrait significatif (p. 143, éd. 2003) :

 

« Les contenus des sentiments sont les configurations de l'état du corps représentées dans les cartes somatosensorielles. Nous pouvons toutefois ajouter maintenant que les structures transitoires de l'état du corps changent vite sous l'influence mutuelle et en miroir du cerveau et du corps lorsque survient une occasion de sentiments. Surtout, la valeur positive ou négative des sentiments et leur intensité s'alignent sur la facilité ou la difficulté générales avec lesquelles sont traités les événements de vie. »

Cela montre clairement notre capacité à influencer notre vécu intérieur. Cela passe par le préfrontal.

 

Tempéraments et caractères

La notion de tempérament est fortement liée à la notion de personnalité.

La théorie d’Hippocrate fait référence à 4 types de tempéraments liés à des pathologies nerveuses.

  • Le tempérament nerveux (sec et froid).
  • Le tempérament bilieux (sec et chaud).
  • Le tempérament sanguin (humide et chaud).
  • Le tempérament lymphatique (humide et froid).

 

Le tempérament peut être considéré comme la dimension affective et émotionnelle de la personnalité. Il apparaît très tôt dans la vie et est héréditaire mais modifiable par l’expérience (Kotsou).

 

Jacques Fradin et Frédéric Le Moullec parlent de 8 tempéraments (Manager selon les personnalités).

Les tempéraments sont associés à la personnalité primaire. Elle est en partie génétique et liée aux apprentissages des 3 premiers mois de la vie (épigénèse ou empreinte). Cette personnalité primaire induit des motivations permanentes et durables, peu dépendantes par la suite d’un résultat. C’est notre nature profonde.

Elle peut être très positive ou parfois négative selon l’apprentissage des premiers 3 mois. Les tempéraments sont installés dans les territoires néolimbiques du cerveau.

 

Par la suite, une personnalité secondaire apparaît (appelée caractère). Les caractères sont souvent vus de manière négative : sale caractère, caractériel, avoir du caractère, …

Le caractère s’acquiert à partir de l’expérience émotionnelle accumulée après les premiers mois (après l’empreinte) jusqu’à l’adolescence et même plus tard.

Les motivations qui en découlent sont dépendantes du résultat.

Les échecs et difficultés vont avoir plus d’importance que les succès sur la création du caractère. Un seul échec peut avoir des conséquences importantes. La programmation de ces personnalités secondaires sera souvent négative (Fradin, Le Moullec).

 

Cohabitent donc en nous un coté plutôt positif et motivé lié à la personnalité primaire et un aspect souvent plus négatif, plus instinctif, lié au caractère (personnalité secondaire). La personnalité secondaire aura tendance à s’installer en première place et il faudra donc veiller à réveiller les éléments plus stables et durables de nos motivations profondes.

 

Je simplifie beaucoup pour la compréhension de base. C’est beaucoup plus complexe que cela. Je vous renvoie au livre de Fradin et Le Moullec.

Les compétences de l'intelligence émotionnelle

Les compétences liées à l’intelligence émotionnelle sont nombreuses.

Elles sont aussi variables selon les modèles utilisés et parfois un peu vagues.

 

Nous avons décrit les compétences de l’IE à partir du livre de Daniel Goleman  « Intelligence émotionnelle T2 » et quelques autres sources. Nous vous invitons à lire cet article assez détaillé qui reprend les compétences visibles dans le mind-mapping ci-dessous.

 

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Voici une vision sous un autre angle, plus synthétique, proposée par Ilios Kotsou. Elle est détaillée également dans l'article proposé ci-dessus.

 

 

La conscience de soi

« Les patrons qui ont échoué possédaient presque toujours un QI et une expertise technique élevée. Leur carence fatale était toujours émotionnelle : ils se montraient arrogants, trop sûrs de leur puissance intellectuelle, […]. »  (Goleman p. 59, IE T2)

 

Cela illustre très bien la lacune importante que peut représenter l’absence de conscience émotionnelle.

La conscience de soi est le premier pilier essentiel de l'IE !

 

Cela est également souvent à la base du principe de Peter, quand des personnes brillantes techniquement sont promues à des postes où elles doivent gérer des personnes et où les compétences pour cela sont très faibles ou inexistantes.

 

Daniel Goleman, dans son livre « IE T2 », illustre bien par de nombreux exemples et des études que, lorsque la conscience émotionnelle personnelle n’est pas présente, cela a des conséquences importantes dans les relations interpersonnelles. On peut dire que la personne se conduit en aveugle. Comme si nous prenions le volant et regardions la route avec une petite ouverture seulement. 

Cela donne des difficultés relationnelles importantes, des échecs professionnels ou dans les relations de couple. De nombreux comportements néfastes expliquent cela.

 

Quels sont les comportements observés (non limitatif) :

 

 

 

Quelques extraits tirés du livre de Daniel Goleman (1) :

 

« Il est très intelligent, c’est un fin stratège mais il est brutal, il rabaisse les autres pour se prouver qu’il leur est supérieur. »

« Ce n’était pas un bon chef d’équipe, il n’était pas particulièrement aimable. Il se montrait souvent brutal et acerbe. Il avait des rapports maladroits avec ses collaborateurs. »

 

Bibliographie

 

  • Damasio Antonio. L’erreur de Descartes : la raison des émotions. Odile Jacob‎ 1995.
  • Damasio Antonio R. Spinoza avait raison, Joie et tristesse, le cerveau des émotions. Odile Jacob 2003.
  • Davidson Richard, Les profils émotionnels, Les Arènes, 2018.
  • Fradin Jacques, le Moulec Frédéric. Manager selon les personnalités. Éd d’Organisation, Eyrolles 2006.
  • Fradin Jacques, L’intelligence du stress, Eyrolles 2008
  • Goleman Daniel. Intelligence émotionnelle. Ed Robert Laffont, 1997.
  • Goleman Daniel. Intelligence émotionnelle T2. Ed Robert Laffont, 1999.
  • Houdé Olivier, les 100 mots de la psychologie, Que sais-je ? 2008.
  • Kotsou Ilios. Intelligence émotionnelle et management. De Boeck, 2015. (2ème édition).
  • Kotsou Ilios. Petit cahier d’exercices d’intelligence émotionnelle. Jouvence 2011.
  • Salovey, P., & Mayer, J. D. (1990). Emotional Intelligence. Imagination, Cognition and Personality, 9(3), 185–211. https://doi.org/10.2190/DUGG-P24E-52WK-6CDG
  • Karolis V. R. et al., The architecture of functional lateralisation and its relationship to callosal connectivity in the human brain, Nature Communications, publication en ligne du 29 mars 2019.

 

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