Pourquoi il n’est pas facile de mimer les émotions et faire semblant
L’étude des émotions et leurs expressions, depuis Darwin (1872), ne cesse de connaître de nouvelles connaissances. Cela notamment par le développement des neurosciences et aussi grâce aux multiples études faites dans le cadre de pathologies ou lésions cérébrales. Celles-ci nous montrent notamment l’effet des lésions de certaines parties du cerveau sur nos processus cognitifs et aussi sur la capacité à mobiliser les muscles de nos différentes parties du corps et la manière dont cela peut affecter l’expression des émotions. Ces études montrent parfois des choses qui étaient insoupçonnées auparavant.
Par exemple, lors d’un AVC dans l’hémisphère gauche détruisant le cortex moteur, le patient présente une paralysie de la partie droite de son visage. Lorsqu’on lui demande d’ouvrir la bouche, de montrer ses dents, il ne peut le faire de manière adéquate et son visage est asymétrique. Par contre, il est capable de sourire et de rire spontanément de manière tout à fait normale.
Cela montre que ce ne sont pas les mêmes zones du cerveau qui commandent les mêmes muscles si nous agissons spontanément ou de manière volontaire.
Chez des patients qui ont une lésion du cortex cingulaire antérieur de l’hémisphère gauche toujours, nous observons des réactions totalement inversées. Le patient est capable de mobiliser volontairement les deux côtés de son visage, mais lors des expressions faciales des émotions, le visage devient asymétrique et moins mobile à droite.
Les mouvements musculaires liés aux expressions faciales des émotions sont donc commandés par le cortex cingulaire antérieur de l’hémisphère gauche ainsi que d’autres structures limbiques et autres. Quand ces zones sont lésées, elles induisent des perturbations et paralysies dans l’expression émotionnelle.
Cela permet de comprendre pourquoi il est impossible d’imiter certaines expressions faciales d’émotions, car certaines des zones musculaires impliquées (Action Units, voir l’article sur ce sujet) ne sont mobilisées que par la présence de l’émotion véritable.
C’est le cas du sourire comme nous l’avons vu dans notre article sur la joie. Et nous savons que pour reconnaître un sourire de politesse (faux sourire), il suffit d’observer le coin externe des yeux qui ne sera pas mobilisé et donc ne montrera pas les fameuses pattes d’oie.
Reproduire les émotions parfaitement est donc loin d’être facile. Et cela se voit dans des films de série B où les acteurs jouent parfois « faux ». Nous ressentons que les émotions jouées sonnent faux. C’est le cas aussi de politiciens, managers, commerciaux qui disent des choses dans des discours qui sonnent faux.
Néanmoins, il est possible d’apprendre à mimer les émotions et les écoles d’acteurs utilisent diverses techniques pour cela. Les grands acteurs vivent les émotions qu’ils jouent ou ont appris à les reproduire de manière crédible par des mouvements musculaires volontaires.
Le comédien russe et directeur de théâtre, Konstantin Stanislavsky, a beaucoup insisté sur l’importance de l’expression vraie des émotions dans le jeu des acteurs et a eu une influence mondiale, notamment sur Lee Strazberg professeur à l’Actor’s Studio de New York (co-créé par Elia Kazan) dont la méthodologie demande aux acteurs d’exprimer et de ressentir l’émotion réelle plutôt que de la simuler.
Tim Roth, avec un vrai sourire
Dans le cadre du développement personnel et de l’intelligence émotionnelle, il est important de devenir familier de nos émotions et de celles des autres et d’être capable de les nommer, de les comprendre et d’en connaître les signaux.
Le maître mot en ce qui me concerne dans le travail sur soi est Authenticité. Je pense que dans les relations interpersonnelles, il faut pouvoir exprimer ses émotions de manière vraie (en utilisant les techniques qui permettent de les exprimer sans blesser l’autre).
Les personnes charismatiques sont celles qui peuvent créer le lien avec les autres par une vraie chaleur, pas un faux sourire, ni faux intérêt. Le leadership est d’ailleurs un équilibre entre chaleur et force comme nous l’avons déjà souligné. Le charisme est justement ce qui permet de toucher nos interlocuteurs, il s'agit d'être vrai si l'on veut être crédible.
Il est dès lors question dans le cadre professionnel, de vouloir réellement se relier à l’autre et d’exprimer une vraie expression de joie et de confiance. Cela est vrai pour un manager vis-à-vis de ses collaborateurs, pour un commercial et son client. Votre non verbal vous trahira si ce n’est pas le cas.
C’est aussi le cas dans les relations quotidiennes qui sont loin d’être toujours véridiques. Mais l’évolution semble nous avoir modelés pour éviter de reconnaître trop facilement le mensonge, cela compromettrait sans doute trop la vie sociale et donc la sécurité qui y est liée (voir pourquoi nous ne détectons pas les menteurs).
Cela montre à quel point le travail sur soi est important et que seule la pratique accompagnée peut vous aider à avancer plus vite dans ce domaine et éviter des erreurs qui seront plus difficiles à corriger par la suite. Nous sommes là pour vous aider avec diverses approches possibles.
Bibliographie :
- Antonio R. Damasio, L'erreur de Descartes, la raison des émotions. Odile Jacob 1995.
Voir aussi une liste de références que nous utilisons régulièrement.