Connaissance de soi : la vision ternaire de l’Homme

Dans de nombreuses civilisations, les sages de diverses traditions ont eu tendance à diviser l’univers en 3 mondes, trois sphères qui s’interpénètrent.

Le monde ternaire

Le monde matériel (ce qui est physique et visible) est généralement symbolisé par la Terre, le monde spirituel est symbolisé par le Ciel et le monde intermédiaire est symbolisé par l'atmosphère, reliant les deux mondes précédents, dans lequel vit l’Homme.

 

 

 

L’Homme est alors souvent décrit par les anciens comme un Microcosme, car il reprend en lui tous les éléments de l’univers (Macrocosme). Il est un intermédiaire entre le Ciel et la Terre. Entre le monde physique et le monde céleste.

 

Pic de la Mirandole en fait une belle description à la Renaissance :

« La nature de l’homme, comme lien et nœud du monde, est située au niveau moyen de l’univers. Et comme tout moyen participe des extrêmes, ainsi l’homme, par chacune de ses parties, communie et correspond à toutes les parties du monde. C’est pour cette raison qu’il est habituel de le nommer Microcosme, c’est-à-dire un petit monde. »

La vision ternaire grecque

L’Homme est donc lui aussi un être ternaire : Il y a le classique dualisme, le corps et l’esprit, la partie physique qui correspond à la terre et la partie spirituelle qui correspond au Ciel. Entre les deux se trouve le pont, une partie essentielle que l’homme doit maîtriser pour pouvoir relier l’esprit (et le mental) au corps et à ses comportements et qui lui permet d’agir concrètement. Cette partie intermédiaire est l’âme, la Psyché des Grecs. C’est notre monde émotionnel.

« Platon décrit dans le Timée la création de l'âme humaine disant que le démiurge forma d'abord l'âme immortelle (noos), c'est‑à-dire l’intelligence ; après quoi les dieux subalternes, tandis qu'ils enfermaient cette première âme dans un corps physique (soma) formèrent l'âme mortelle (psyché) composée du courage et du désir. Ainsi, de par son union avec le corps, l'âme devient sujette à la mort. Est seule immortelle l'âme intelligente laquelle est l'âme elle‑même dans l'intégralité de sa nature divine. » (F. Schwarz)

 

Le NOOS, c'est le plan de l'Esprit, le plan des abstractions, des Idées, de la théorie. Les idées existent donc dans un monde abstrait. Nous pouvons voyager dans notre « tête », sans bouger de notre chaise. Les idées existent mais pour être concrétisées, elles doivent pouvoir arriver dans le monde physique par le biais de notre corps (Soma).

 

C’est là le paradoxe de beaucoup de personnes qui vivent plein de choses dans leur tête mais qui n’arrivent pas à leur donner réalité. Pour cela, il faut absolument pouvoir mobiliser de l’énergie psychique (la motivation) qui va nous permettre de faire les efforts nécessaires pour faire descendre nos idées et mettre en place les actions pour cela.

 

La psyché est donc une plaque tournante pour nous permettre de réaliser concrètement nos idées mais aussi pour faire passer nos apprentissages du monde physique dans notre plan mental et renforcer notre intelligence et notre capacité créatrice. Le monde des émotions est donc celui que l’Homme doit maîtriser pour pouvoir faire le pont entre le monde spirituel et le monde physique. Ce n’est pas pour rien que toutes les civilisations ont développé des outils pour pouvoir y arriver.

 

Dans le cadre du développement personnel, il faut donc tenir compte de ces trois réalités qui coexistent en nous mais aussi de leur finalité.

 

Depuis des millénaires, la vision de l’éducation et du développement humain a été d’unifier ces trois plans et surtout de permettre à la conscience humaine de s’élever vers le monde spirituel. Pour y arriver, il faut maîtriser le monde de la Psyché. C’est à ce niveau que l’homme peut basculer vers le haut (le Moi Humain) ou vers le bas (le Moi animal et instinctif).

 

A nouveau, j’aime beaucoup la vision de Pic de la Mirandole (dans son texte sur la Dignité de l’Homme). Il s’agit de Dieu qui parle à l’Homme :

« Si nous ne t'avons fait ni céleste ni terrestre, ni mortel ni immortel, c'est afin que, doté pour ainsi dire du pouvoir arbitral et honorifique de te modeler et de te façonner toi-même, tu te donnes la forme qui aurait eu ta préférence. Tu pourras dégénérer en formes inférieures, qui sont bestiales ; tu pourras, par décision de ton esprit, te régénérer en formes supérieures, qui sont divines.»

 

Cela montre la liberté de l’homme de choisir son destin et du combat qui est le sien pour monter les marches vers le ciel.

C’est l’initiation et ses divers échelons qui avait le rôle de guider l’homme et de lui donner les outils pour y arriver, ce sera ensuite l’éducation et la religion quand les systèmes initiatiques auront perdu de leur efficacité, par perte de la connaissance.

 

L'éducation platonicienne par exemple, se fonde sur trois grandes disciplines, la gymnastique, la musique et la philosophie, qui correspondent chacune à une des trois parties fondamentales de l'homme et qui tendent à lui rendre un état d'harmonie, en rapport avec ces trois mondes : physique, psychologique et spirituel. Cela nous relie à nous même et libère l'enthousiame. C'est une des clés du charisme.

 

 

C'est par la pratique de la philosophie que l'âme se purifie, qu’elle peut ainsi contempler l'essence des choses et accéder à la réalité. Le corps est pour l'âme une prison dont elle doit se délivrer. Platon nous révèle cela à travers la magnifique allégorie de la caverne. Platon enseignait aussi « L’homme est un dieu, mais il l'a oublié ».

 

 

Cette vision (Esprit, Ame, Corps) sera reprise par la suite par la Chrétienté. Saint‑Jean l’avait inscrite dans son Evangile, source de l'ésotérisme chrétien, sous la forme de Verbum (Monde spirituel), Lux (Lumière, état physique) et Vita (Monde corporel) (F. Schwarz).

 

Nous découvrirons par la suite que d’autres clés ont été utilisées par certaines civilisations (clé septénaire, décade, ennéade, …). Au‑delà de ces visions diverses d'une structure au départ identique, on retrouve la préoccupation des Sages à donner à celui qui était prêt les clés permettant d'ouvrir les portes de la connaissance de soi. Toutes ces connaissances souvent ésotériques ont été rendues plus accessibles par la révolution du Nouvel Age et du développement personnel. Le piège de cet accès facile, c’est que les finalités ont été perdues et que les outils sont utilisés parfois sans discernement et pour le seul bien-être.

 

Chogyam Trungpa, moine tibétain, nous met en garde contre ce matérialisme spirituel.

« Un certain nombre de voies de traverse conduisent à une version distordue, égocentrique, de la vie spirituelle. Nous pouvons nous illusionner en pensant que nous nous développons spirituellement, alors qu'en fait nous usons de techniques spirituelles pour renforcer notre ego. Cette distorsion fondamentale mérite le nom de matérialisme spirituel ».

 

Nous le voyons, cette connaissance de la manière dont nous fonctionnons peut nous aider à nous améliorer et devenir meilleur.

 

Nous pouvons développer les vertus et avoir plus de maîtrise de nous-mêmes. C’est par exemple l’objectif de l’intelligence émotionnelle de nous permettre de développer de l’empathie et de mieux maîtriser nos émotions et celle des autres. Le cerveau est en relation avec ces trois plans et lui même est ternaire dans son mode de fonctionement (Modes mentaux). Voir article sur comment les émotions dirigent nos vies et comment fonctionne le stress. Vous y reconnaitrez les liens avec les trois plans humains.

 

Il serait dommage que cet outil formidable ne serve qu’à rendre les managers meilleurs et performants, sans permettre à chacun d’entre nous de développer plus de spiritualité et de sagesse dans la vie quotidienne et la gestion de ses conflits.

 

A bientôt pour découvrir la vision septénaire hindoue.

 

Bibliographie :